Un statut pour les directeurs d'école ?

 

Responsables vis à vis de l'inspection, de la mairie, des parents..., les directeurs d'école en ont ras le bol. Preuve de ce malaise, 4 500 postes sont restés vacants en septembre et la grève administrative des directeurs d'école primaire fut l'un des rares couacs de cette rentrée.

Aujourd'hui, le directeur doit assumer des tâches toujours plus nombreuses: assurer le secrétariat, faire les comptes, organiser les plannings et les sorties, animer l'équipe pédagogique, recevoir les parents, penser aux commandes, rédiger les rapports... tout en faisant classe. Pour autant, faut il un nouveau statut de directeur d'école?

 

Rubrique coordonnée par REMI BARROUX

Dossier du Monde de l’Education – Novembre 2000

 

 

Ne créons pas de nouvelles hiérarchies

CLAUDINE LEU SIMON directrice d'école à Palaiseau (Essonne)

 

LA FONCTION ET LE RÔLE du directeur d'école, bien qu'ils n'aient pas changé dans les textes, sont, dans les faits, en pleine transformation. Statutairement, le directeur n'est pas chef d'établissement; il est « chargé d'école », formule permettant toutes les interprétations.

 

Animateur pédagogique, il préside les conseils des maîtres, organise le travail des aides éducateurs. Interlocuteur des parents, il personnifie l'institution à leurs yeux. Il rencontre les familles et règle les conflits entre parents et enseignants. Le directeur est en relation avec les services sociaux, médicaux, voire judiciaires. C'est à lui que l’IEN s'adresse pour transmettre les informations et pour mettre en oeuvre les directives de l'institution,

 

Le directeur est en relation étroite quasi quotidienne avec la mairie pour tout ce qui concerne les locaux scolaires, l'achat du matériel, les intervenants municipaux, mais souvent aussi l'organisation des cantines, des études et des garderies. Il est responsable de la sécurité des élèves dans l'établissement et au cours des sorties. Enfin, il est entièrement chargé de l'administration et du secrétariat, charge importante et inégale selon les écoles.

 

On voit bien que la charge de travail et la responsabilité des directeurs sont importantes et il ne faut pas s'étonner de constater que le nombre de volontaires (quasi bénévoles) pour cette fonction diminue.

 

Faut il pour autant donner aux directeurs un statut de chef d'établissement analogue à celui du secondaire? Certainement pas.

 

Créer ce type de statut, ce serait créer une nouvelle hiérarchie. Les directeurs, contrairement aux principaux de collège, doivent aussi rester des enseignants, puisqu'une grande partie des écoles de notre pays sont trop petites pour décharger totalement le directeur d'enseignement. De plus, nombre d'entre eux souhaitent continuer à enseigner.

 

En revanche, il est nécessaire que le rôle des directeurs soit redéfini et que soient précisées leurs responsabilités.

 

Il me paraît indispensable pour tous, et cela se fait ici ou là, que l'avis du directeur soit pris en compte lorsqu'il appuie un enseignant non titulaire qui souhaite rester dans l'établissement. Le directeur doit avoir les moyens d'agir pour assurer la stabilité de l'équipe enseignante et la continuité pédagogique.

 

Il est certain que tout n'est pas de l'ordre du règlement. De nombreuses tâches du directeur relèvent du relationnel. Il faut laisser à chacun les possibilités de faire vivre son école avec sa propre personnalité.

 

Moderniser l'école, y compris par l'usage de fax, de logiciels de gestion et du courrier électronique, avec les moyens à la clé, en tenant compte de l'environnement social, du rôle des directeurs dans les rapports avec les familles et tous les autres partenaires, est devenu une urgence après un siècle d'école communale.

 

Novembre 2000  Le Monde de l'éducation

 

Un métier non reconnu!

 

LA DIRECTION D'ÉCOLE est, depuis plusieurs années, au centre de nombreux débats. Tout le monde, à l'instar de messieurs Chirac, Jospin, Bayrou, Allègre et Lang, s'accorde pour reconnaître le rôle prépondérant que le directeur exerce au sein de l'école, tant sur le plan de l'animation et de la « dynamisation » de l'équipe pédagogique et sur la mise en place des directives ministérielles, académiques et départementales que par sa tâche de gestion administrative et du rôle social, toujours plus important, qu'il est obligé d'endosser. En effet, l'école est bien souvent, et pas seulement dans les zones sensibles, la dernière « institution » de référence, le directeur se trouvant alors dans l'obligation d'assurer l'existence du service public.

 

Le directeur d'école fait partie soit du corps des instituteurs, soit du corps des professeurs des écoles. Il occupe simplement un emploi. Il n'est pas le supérieur hiérarchique des autres collègues de l'école. Il n'existe pas de corps de directeur, pas de statut ni même un «CAP » spécifique.

 

Le directeur d'école est responsable « des biens et des personnes » ainsi que du bon fonctionnement de l'école. C'est encore lui qui doit répondre à toutes les demandes, résoudre tous les problèmes posés aussi bien par les enseignants, les parents, l'administration, les élus locaux, les aides-éducateurs, les intervenants extérieurs... Pour cela, il ne pourra compter que sur son « autorité naturelle » ou sur son doigté et son sens de la psychologie.

 

Et pourtant nos supérieurs, à tous les niveaux, comme nos partenaires reconnaissent que c'est devenu un métier à part entière. Malheureusement, la majorité de mes collègues, qui ne bénéficient que de très peu, voire d'aucune décharge d'enseignement, sont obligés d'exercer en permanence deux métiers. Celui d'enseignant et celui de directeur! Il est intéressant de faire un parallèle avec les collèges: dans une école primaire de 12 classes qui compte environ 300 élèves, le directeur bénéficie d'une demi-décharge de service. Il est à mi-temps enseignant et à mi-temps directeur mais à 100 % responsable. Un collège de 300 élèves bénéficiera, lui, d'un principal, d'un adjoint, d'un conseiller d'orientation, d'un intendant, d'une secrétaire et de surveillants!

 

L’école de l'an 2000 n'a plus rien à voir avec celle d'il y a vingt ans, chacun le sait bien. Il est urgent que nos supérieurs en prennent acte et surtout qu'ils en tirent les conséquences. Il faut absolument redéfinir et préciser le fonctionnement global de l'école et surtout donner un vrai statut à celle ou à celui qui la dirige.

 

Nos diverses tâches sont bien évidemment définies par des textes. Cependant, les verbes utilisés dans ces différents décrets, « veiller procéder, répartir arrêter, fixer, organiser réunir, prendre toute disposition, représenter, assurer, animer aider, favoriser, participer, autoriser, prendre part et contribuer », définissent bien les grandes lignes de nos devoirs et de nos responsabilités; mais à aucun moment il n'est fait allusion aux moyens de les exercer, à nos droits ni à de réelles compensations financières.

 

La charge de travail s'alourdit et les directeurs doivent, en plus, supporter le poids grandissant d'une responsabilité lourde de conséquences. Les médias s'en font, hélas! largement l'écho: responsables et coupables à la fois.

 

La preuve en est que ce métier attire de moins en moins de candidats, près de 4 500 postes de direction, soit environ 10 %, sont restés vacants lors du dernier mouvement.

 

Il faut exiger pour les directeurs la simple équité par la reconnaissance de leur métier. Cette reconnaissance doit se traduire par un statut offrant à la fois des garanties d'emploi, définissant les droits et les devoirs, une formation d'un an reconnu par un CAP national, et une rémunération spécifique.

 

Il nous faut aussi du temps pour faire ce métier, pour préparer, animer, organiser, impulser, soutenir... au-delà du simple travail de secrétariat, lui-même de plus en plus lourd. Du temps, il en faut encore beaucoup afin d'être disponible pour les différents partenaires de l'école - mairie, parents, intervenants divers, fournisseurs, représentants... -, qui sont de plus en plus demandeurs d'informations, de rendez-vous, quand ce n'est pas le ministère qui participe à cet alourdissement avec ces journées de ceci ou ces semaines et quinzaines de cela.

 

En fait, là où le Syndicat national des écoles SNE/CSEN, depuis plus de quinze ans, parle de droits, de sécurité de l'emploi, de reconnaissance de la fonction, de prise en considération des responsabilités, certains des autres syndicats semblent aujourd'hui enfin se rendre compte de la justesse de notre lutte. Il est à parier qu'ils reprendront cette lutte à leur compte et qu'ils oublieront la levée de boucliers qu'ils avaient organisée lors de la création par M. Monory en 1987-1988 du corps des « maîtres directeurs » à qui ils avaient, sans réfléchir, collé l'étiquette de « petit chef ».

 

JEAN-CLAUDE HALTER président du SNE, directeur d'école à Strasbourg

 

Novembre 2000 - Le Monde de l'éducation