Les élections européennes du 16 juin 2004 sont encore plus importantes que les précédentes consultations. Elles seront déterminantes. 80 % des lois votées par les parlements nationaux ne sont que des mises en conformité des législations nationales avec les préconisations de l’Union Européenne. Dans les prochains mois, l’Europe devra prendre des décisions essentielles pour notre avenir et notre sécurité, fixer les futures règles de son fonctionnement. En outre, , la commission sera dorénavant sous le contrôle du Parlement Européen et la composition de ce dernier pèsera tout aussi lourdement sur l’orientation politique de l’Union Européenne que la couleur politique des gouvernements nationaux.
Ne nous laissons pas tromper par ceux qui au nom d’un nationalisme suranné vous laissent croire que l’Europe ne nous a rien apporté, sinon du négatif.
- La construction européenne a été d'abord conçue comme un antidote aux conflits entre pays de l’Europe occidentale qui ont été à l'origine des plus grands désastres du XXe Siècle et sans doute de toute l’histoire humaine. Depuis plus de 500 ans, les jeunes européens d’une génération couraient au moins une fois aux frontières pour s’entretuer. Voici maintenant deux générations qu’ils ne les traversent que pour voyager ou faire des études.
- Par la suite dans les années 60, la construction européenne a permis une croissance rapide de l'Europe et en a fait une puissance économique et commerciale de premier ordre. Elle a été un des facteurs essentiels de la modernisation de l’économie française et notamment de son agriculture. Ce dynamisme économique a entraîné, dans les années 1970 et 1980, une adhésion de la plupart des pays d'Europe Occidentale à l’Union Européenne et le passage d’un marché commun à un marché unique.
- Dans les années 1990, au moment où cette dynamique s'essoufflait, l'effondrement du bloc soviétique, suivi de l'unification allemande, risquaient d'entraîner l'Allemagne vers l'Est. Le projet de monnaie unique a permis d'ouvrir véritablement la voie à une Europe politique. L’instauration de l’Euro a imposé des disciplines qui peuvent paraître trop contraignantes pour l’emploi et la politique économique mais elle a évité, particulièrement à la France, l’inflation et dévaluation dont elle était coutumière.. Il ne faut pas oublier que ces dernières années, la suppression des guerres entre monnaies européennes a considérablement amorti le coût social des fluctuations et des crises politiques mondiales.
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L’Europe a peu à peu joué un rôle majeur dans
l’amélioration de notre vie quotidienne. Grâce à la mise en place de Fonds,
elle a facilité la lutte contre les déséquilibres régionaux et sociaux. On
oublie un peu trop facilement que des crédits accordés par exemple à des associations
d’insertion ou à des programmes urbains ou régionaux, s’ils sont votés par des
décideurs locaux proviennent souvent à 45 % de fonds européens. L’Union
Européenne a aussi joué un rôle essentiel dans l’établissement et l’unification
des normes de production et la protection des consommateurs.
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Dans le domaine social, l’Union Européenne a obligé la
mise en place de « Plans Nationaux pour l’Emploi » et imposé à la
France d’y intégrer les partenaires sociaux. Elle a facilité la création de CE
européens pour les grands groupes..
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Même si l’Education demeure de la compétence des Etats,
La Commission Européenne y est intervenue en lançant de nombreux programmes de
recherche et de coopération.. Aujourd’hui la Commission Européenne promeut à
travers des programmes spécifiques « l’apprendre
tout au long de la vie » dont elle a fait un de ses axes stratégiques
prioritaires. Pour y parvenir, elle facilite l’apparition de « Régions
apprenantes », favorise leur coopération et oblige les Etats à lui rendre
compte des progrès réalisés pour développer « l’apprendre
tout au long de la vie ».
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Enfin la Cour de Justice européenne prend chaque jour
plus d’importance dans le règlement des conflits et l’affirmation du droit des
personnes.
Il faut voter pour permettre à la construction européenne de se doter d’un vrai pouvoir politique.
Les tragiques attentats de Madrid ont mis crûment en lumière les défaillances de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité. Dans la précipitation, les chefs d’Etat ont nommé un « monsieur terrorisme » chargé de faciliter la coopération entre les services nationaux de lutte contre le terrorisme. On est encore très loin de ce qu’exige la situation. Pour aller de l’avant, il faut nous engager dans la mise en place d’un véritable pouvoir politique européen. Il est nécessaire bien au-delà de la lutte contre le terrorisme.
- Nous avons besoin d’un pouvoir politique européen pour mettre en place une Europe des juges et des polices. Sans elle, l’ouverture des frontières mène déjà à l’Europe des mafias et de l’argent sale. Il est inadmissible que l’on puisse faire voter comme en Italie des lois qui ralentissent la coopération entre les justices. Il est inadmissible que l’on ne limite pas dans les paradis fiscaux européens le secret bancaire. Dans la lutte contre le terrorisme, il faut aussi mettre en place une agence européenne et pas simplement faciliter la coopération entre les services de renseignements nationaux.
- Nous avons besoin d’un pouvoir politique européen capable de faire entendre la voix de l’Europe dans tous les conflits internationaux. Tant dans les conflits qui ont ensanglanté l’ancienne Yougoslavie que dans les affaires afghanes, irakiennes et palestiniennes l’Europe joue, au mieux, le second rôle, au pire elle affiche ses divisions et laisse les Etats-Unis s’engager dans un unilatéralisme dangereux. Pour éviter l’impuissance internationale, l’Europe a besoin d’un pouvoir politique capable de diriger ses relations internationales et de mettre en œuvre une politique internationale européenne appuyée par une véritable armée européenne. Sans lui, le ministre des affaires étrangères européen et l’embryon d’armée européenne existante seront d’une efficacité très limitée.
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Nous avons besoin d’un pouvoir politique pour lutter
contre la mondialisation libérale. L’élargissement des échanges mondiaux n’est
pas en soi, bien au contraire négatif. La montée du protectionnisme dans les
années 1930 a été une catastrophe économique qui a entraîné la chute de la production
et l’explosion du chômage. Depuis la fin du second conflit mondial, la
suppression des barrières douanières a été un des principaux facteurs de la
croissance mondiale. L’Europe et la France en ont largement profité. Ce qui est
en question aujourd’hui ce n’est pas la mondialisation, mais l’absence de
régulation qui laisse les transnationales libres d’agir à leur guise et donne
un sentiment d’impuissance aux citoyens. On s’aperçoit aujourd’hui que
l’absence de règles peut mener à des désastres économiques et financiers. La
puissance des acteurs économiques de la mondialisation est bien réelle mais
elle est plus fragile que l’on ne croit et de ce fait le citoyen n’est pas
démuni. Si la dérégulation, notamment la dérégulation financière, et l’explosion
de la spéculation ont pu se développer de la manière que nous connaissons c’est
que les pouvoirs politiques l’ont bien voulu. Il ne faut pas perdre de vue que
le marché n’est pas un mécanisme intangible, c’est une institution qui
fonctionne de telle ou telle manière selon les règles imposées par les pouvoirs
politiques et les rapports de forces concrètement situés sur un territoire. Si
nous envoyons au Parlement européen des représentants favorables à un pouvoir
politique européen et hostiles à la dérégulation, l’Europe pourra œuvrer pour
une mondialisation au service d’un véritable développement mondial. Elle pourra
aussi garantir l’accès de tous à des services collectifs d’intérêt général et
cadrer l’évolution des services publics.
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La suppression
des monnaies nationales et l’institution d’une Banque Centrale
Européenne sont l’introduction d’un
élément de supranationalité accrue. Toutefois une supranationalité livrée à une
logique de banquier est extrêmement dangereuse. Elle a une lecture du pacte de
stabilité qui bride la croissance et entraîne l’Europe dans la déflation. Nous
avons besoin d’un pouvoir politique qui impose une logique de croissance
économique et la favorise par une politique de développement des nouveaux
membres de l’Union Européenne, l’aide aux pays en voie de développement et
l’élargissement de la demande interne. Nous pouvons, en Europe, reconstruire un
espace de relance susceptible d’unir la prospérité des entreprises et le
progrès social. Nous ne le ferons pas sans un pouvoir politique rejetant les
carcans imposés par l’Europe des banquiers.
- L’exigence d’un pouvoir politique européen capable de promouvoir une autre politique européenne ne pourra se faire que si l’Europe se dote d’une constitution. Seule une constitution peut permettre le contrôle démocratique des institutions européennes et garantir leur bon fonctionnement. Aujourd’hui, l’Espagne ne bloque plus l’adoption d’une constitution européenne. Encore faut-il que la future constitution européenne ne soit pas un alignement sur ceux des Etats les moins enclins à abandonner leur souveraineté. Pour aller de l’avant la constitution européenne doit aussi permettre l’approfondissement de l’Europe à quelques uns. Ce n’est pas impossible puisque l’euro, l’espace Schengen, l’intégration des nouveaux membres sont d’une certaine manière la mise en place d’une Europe à géométrie variable. Encore faut-il aussi que nous puissions passer un jour d’un traité constitutionnel (qui est déjà mieux qu’un simple traité entre des Etats souverains) à une véritable Constitution fondant un vivre ensemble.
C’est désormais de l’orientation politique du futur Parlement Européen, et donc de notre vote, que dépendra l’évolution de la construction européenne.