Par notre envoyé spécial permanent Jean-Pierre Dubreuil
Compte-rendu envoyé à tous les partenaires du Collectif Lecture
Mardi 12 décembre à 20h 30, organisée par le collectif départemental « Apprendre à lire : pas si simple », composé de la FCPE, de FERC-CGT, de la Ligue de l’Enseignement, du SE-UNSA, du SGEN-CFDT et du SNUIPP, une rencontre débat sur l’apprentissage de la lecture avait lieu à l’Espace Bessières à Cahors.
Etaient invitées Eveline Charmeux et Isabelle Jalabert, secrétaire générale de la FCPE et membre de l’ONL.
Jusque-là rien que de très banal.
Dès l’ouverture des portes, les choses ont pris une tournure… intéressante : pour entrer, il fallait en effet, franchir un barrage de quelques individus distribuant des feuilles imprimées sur lesquelles s’étalait en caractères gras un titre sans ambiguïté : « Ni Robien, ni Charmeux ! », et une signature tout aussi explicite : « adhérents et sympathisants lotois de SAUVER LES LETTRES ». Entre les deux, un certain nombre d’attaques contre la conférencière invitée.
On se serait cru à l’entrée d’un meeting politique… !
Tiens ! N’y aurait-il pas là l’indice de quelque chose ??
La dite invitée ne se laissa pas impressionner et attaqua d’entrée, en remerciant les collègues auteur du libelle, de l’avoir ainsi habillée pour l’hiver, à un moment précisément où le froid s’annonce avec énergie. Elle ajouta que le public devait leur être également reconnaissant de cette délicate attention : grâce à ce texte, tous se trouvaient parfaitement informés des défauts et tares diverses de l’oratrice.
Soyons objectifs : Eveline Charmeux a pu faire son exposé sans qu’aucune manifestation intempestive ne vienne l’interrompre. Preuve qu’il reste quelques soupçons de civilité chez les syllabocrates.
Seuls quelques soupirs et agitations du groupuscule installé au fond de la salle laissaient supposer une suite plus musclée.
L’exposé, émaillé comme toujours avec E. Charmeux, d’anecdotes personnelles précises, de formules humoristiques plaisantes, accompagnant des exemples précis analysés avec rigueur, démontra que les méthodes syllabiques ne pouvaient en aucun cas déboucher sur une maîtrise de la lecture, dans la mesure où ce qu’elles enseignent, le déchiffrage oralisé de mots, n’apparaît jamais dans une situation de lecture véritable. L’oratrice souligna également certaines erreurs assez grossières de logique (confusion « simple et facile » qui sont en réalité le contraire l’un de l’autre, le simple étant abstrait est toujours fort difficile pour les enfants), ainsi que l’oubli manifeste de données essentielles au travail d’enseignement (prise en compte du fonctionnement psychologique des enfants et des travaux sur l’apprentissage), confirmant ainsi le caractère plus que dangereux des directives ministérielles.
Isabelle Jalabert, prit alors la parole, au nom des parents, prolongeant l’exposé d’Eveline Charmeux, dans la direction d’une réelle co-éducation parents/enseignants. Selon elle, certains des exemples particulièrement percutants et convaincants de l’exposé précédent lui paraissaient de nature à convaincre les parents que, effectivement, apprendre à lire, ce n’est pas aussi simple que le ministre voudrait le faire croire.
Le public, très attentif, semblait se régaler…
A peine les applaudissements terminés, ce sont des tirs en rafale qui ont démarré où l’on pouvait reconnaître, pèle-mèle, divers chefs d’accusation, dirigés à la fois contre les organisateurs, et les invitées. Fanatisme sectaire d’Eveline Charmeux (comme s’il pouvait y en avoir qui ne le fût point !), mépris de chercheurs reconnus — à quoi il fut répondu que pour ce qui est du mépris, l’oratrice, chercheuse elle aussi et ses amis, en ont eu leur compte, caractère dévastateur du constructivisme qui « fait le lit du libéralisme », — là il fut demandé une explication de cet étrange lien de cause à effet, explication qui resta plutôt floue.
Mais de réponses à l’exposé et d’argumentation justifiant cette indignation, il n’y en eut point !! A la demande formulée par E. Charmeux de prouver en quoi exactement elle avait tort, la seule réponse fut « On n’a pas le temps ici ! »
Arriva alors l’incontournable question : « mais si la méthode syllabique n’enseigne point la lecture, comment avons-nous fait, nous qui avons appris avec cette méthode ??? »
La réponse vint de la salle, envoyée, de façon plaisante, par deux collègues, ayant réussi, grâce à l’autorité de l’animateur, à prendre enfin la parole, et qui n’ont pas hésité à se déclarer « victimes de la syllabique ». Tous deux ont avoué avoir eu bien du mal à construire seuls leur savoir lire, nécessairement « bricolé » après avoir dû oublier le déchiffrage oralisé, principal obstacle à la compréhension d’un texte.
Finalement la soirée fut fort divertissante et lorsque les invitées prirent congé, une ovation salua leur départ, prouvant s’il en était besoin où se trouvaient les arguments les plus convaincants.
Elle prouva surtout que les attaques actuelles, contre la pédagogie et les recherches pour rendre l’école plus efficace, sont bien d’origine et de nature politicienne, au sens le plus trivial de cet adjectif. Et les étincelles les plus éclairantes, mais aussi les plus amusantes, voire rassurantes, sont venues en fait du choc de deux positions inconciliables, celle qui cherche à détruire un système, dans la visée d’objectifs inquiétants, et celle qui fait tout pour ouvrir l’accès de tous les enfants à la culture et à la liberté qu’elle permet.
Très positif, non ?
Merci au Collectif Départemental !
Le journaleux de service : J.P.D.